Résumé :
Il est professeur de dessin, elle est infirmière : lorsque Paul et Éliane se rencontrent, après avoir chacun connu quelques déboires sentimentaux, il semble bien que s'ouvre devant eux un avenir enfin serein. Et quoi de mieux qu'un horizon nouveau pour un bonheur tout neuf ? Donc, une nouvelle maison, une nouvelle voiture, un nouveau mode de vie... C'est l'an I de ce couple ordinaire - l'an I aussi de la débâcle d'un foyer qui se piège dans l'engrenage du surendettement, dans l'empilement des CRÉDICONFORT, des PERMAPRÊT, leasing en tout genre et autres cartes CUSTOMER - que, sous d'autres noms fort proches, nous connaissons tous.
Dans Les Endetteurs, Hervé Jaouen, ancien responsable d'agence et attaché de direction d'une banque nationale, épingle la dérive d'un système de distribution du crédit qui, à l'image d'une société ivre de libéralisme, déréglemente à tout va, ne songe qu'au profit et finit par broyer ses partenaires-emprunteurs ciblés, fichés, ficelés, aussi bien qu'employés dressés à vendre sous la perpétuelle menace de "restructuration" et "plans sociaux".
Précis comme un document, construit comme un roman, Les Endetteurs se lit comme un thriller, un genre dans lequel Hervé Jaouen, Prix du suspense et Grand Prix de littérature policière, est passé maître.
Cette fois, ce sont les banquiers qui se retrouvent à découvert.
Extrait :
" Depuis l'automne de l'année A s'élabore dans les états-majors des banques une nouvelle formule de crédit inspirée du revolving anglo-saxon. De to revolve, tourner, faire tourner. The earth revolves round the sun, la terre tourne autour du soleil. Idée de mouvement perpétuel
Le concept est simple : seules des variantes mineures, introduites par chaque établissement pour se démarquer de la concurrence, engendrent des subtilités, de peu d'importance au demeurant. Une capacité mensuelle de remboursement est déterminée en faisant preuve, ici, de largesse d'esprit - il s'agit de vendre du crédit. L'impétrant est-il capable de rembourser mille francs par mois ? Oui ? Alors, multiplier mille par trente-six : trente-six mille francs, montant du crédit revolving dont le bénéficiaire crédite lui-même son compte par virement. Le capital sera remboursé par virements mensuels de mille francs, dans l'autre sens : débit du compte de chèques, crédit du compte revolving. Les intérêts sont débités trimestriellement, prorata temporis sur l'utilisation. Ce qui est grisant, c'est que le bénéficiaire est libre, le jour même de l'amortissement de mille francs, d'effectuer le mouvement inverse. Il a le loisir d'une utilisation maximale en permanence. Il y a accoutumance. Le client est ficelé. Le sevrage mène souvent à des accidents contentieux."
Critiques :
" - Hervé Jaouen démonte l'engrenage des "endetteurs"
Les Endetteurs est le titre du dernier roman d'Hervé Jaouen qui critique et démonte comment un couple va être pris dans la spirale de l'endettement, du surendettement, puis de l'exclusion. Un sujet qui le travaillait depuis des années et qu'il connaît de l'intérieur pour avoir travaillé et milité syndicalement dans ce milieu. "L'évolution du système bancaire me déplaisait de plus en plus." S'il juge le crédit comme "une activité tout à fait honorable", le romancier regrette le temps du banquier "conseilleur". "On assiste à une dérive du fait de la concurrence exacerbée, de la déréglementation, de la baisse des profits des banques sur les marchés financiers, les pertes dans l'immobilier comme pour le Crédit lyonnais. les comptes courants rapportant moins, on a donc tendance à traire la vache..."
Les Endetteurs nous apprend, en particulier, comment chaque client de banque est fiché. "J'étais sur M6 voilà quelques jours et le banquier qui était sur le plateau était mal à l'aise. Ces gens-là n'aiment pas que l'on parle de la manière dont les clients sont classifiés par catégories suivant leur patrimoine, l'argent qu'ils gagnent, les flux sur leurs comptes et leur catégorie socio-professionnelle."
A partir de ces données, se déploie un arsenal de nouveaux "produits" à placer. "Je me suis toujours révolté contre l'idée de fixer des objectifs à des employés en matière de crédit. Forcément, cela conduit à des ventes forcées." Et quand le choix est d'accepter ou de prendre la porte et que, de plus, les commissions représentent désormais "entre un quart et un tiers du salaire", l'employé de banque se retrouve aussi pris dans l'engrenage. "Comme je l'explique dans mon livre, un des chefs d'agence a du mal à placer son crédit revolving parce qu'il se trouve à la pointe de la Bretagne et les gens de son village n'y sont pas tellement sensibles. Mais on lui dit : "L'objectif est de tant, respectez-le." Il va donc taper dans le vivier des comptes débiteurs et opérer une sorte de chantage : "Ou bien je vous envoie des lettres vous enjoignant de payer ou bien vous acceptez mon crédit revolving."
Depuis la publication de son oeuvre, Hervé Jaouen a reçu de nombreuses lettres. Ainsi une dame des Vosges : "Elle avait un découvert de 20.000 francs qui lui donnait des cauchemars. Elle va voir son banquier pour lui demander d'élaborer un plan mensuel de remboursement. Qu'a-t-il fait ? Il lui a proposé un crédit revolving de 20.000 francs et donc trois ans plus tard son découvert s'est creusé à 47.000 francs. Elle n'a rien compris à ces histoires de virements et d'agios" Conclusion ? "Il faudrait moraliser ce système et en particulier supprimer le commissionnement sur les crédits qui pousse aussi à offrir les emprunts avec les taux les plus élevés." "
Michel Guilloux - L'Humanité - 15/12/1994
" - Hervé Jaouen, notamment dans son roman Les Endetteurs, a fait une remarquable description phénoménologique de la relation d'emprise "endetté" à l'origine aussi de cas de surendettement. "
" - "La similitude avec des comportements réels d'agents économiques n'est pas une coïncidence. Néanmoins, il va de soi que toute ressemblance avec des noms de firmes ou de lieux privés, des personnes existant ou ayant existé, serait fortuite".
Si Paul et Éliane sont des personnages fictifs, l'itinéraire qui les mène depuis leur rencontre jusqu'à leur séparation dramatique n'a hélas rien de fictif. C'est la débâcle d'un foyer pris dans l'engrenage du surendettement et dans l'empilement des crédits en tous genres. Ce que nous connaissons moins, et que le livre révèle avec une terrifiante minutie, c'est la stratégie des banques, les pressions internes exercées sur les employés, les procédures psychologiques préconisées, les réseaux de surveillance dont font l'objet les clients. Ce roman-vérité du quotidien a toutes les vertus d'un thriller comme celles d'une dissection thérapeutique de ceux que "notre argent intéresse". "
Catherine Malpas - Loisirs Info CEC Magazine - Octobre 1994
" - Diabolique...
Après avoir lu le dernier livre d'Hervé Jaouen, "Les Endetteurs", on se demande quel accueil l'auteur reçoit désormais dans les banques ! Il raconte, en effet, l'histoire d'un couple, Éliane et Paul, qui vient s'installer en Bretagne avec ses enfants et achète une maison. Imprévoyants et passablement naïfs, nos amoureux accumulent tout à la fois les prêts, les dettes et... les crédits pour rembourser les emprunts qu'ils ne peuvent plus payer ! Cercle vicieux parfait qu'Hervé Jaouen dissèque avec une rigueur implacable.
Car il n'y va pas de main morte pour dénoncer les pratiques auxquelles les banques ont recours pour ferrer leurs clients ! Mais il faut reconnaître aussi que, lucide, il fustige avec tout autant de vigueur les directeurs de ces établissements qui poussent leurs employés à faire du profit et à atteindre des objectifs financiers toujours plus élevés - engrenage qui, finalement, prend tout le monde au piège.
Un roman diabolique qui fait froid dans le dos. "
Yves Loisel - Le Télégramme - 07/12/1994
" - Voilà un roman qui sort de l'ordinaire : il allie fiction et documentation ; c'est l'histoire tourmentée d'un couple et un réquisitoire saignant contre le système bancaire, ses tracasseries, ses complications, ses petitesses. L'auteur écrit en connaissance de cause : Hervé Jaouen a longtemps occupé des fonctions de responsabilité dans la banque et il en connaît toutes les "ficelles". Un couple, deux divorcés qui unissent leurs destins et leurs 5 enfants, quitte la région parisienne pour retrouver une vraie vie en Bretagne, dans une maison de campagne bien sûr. Alors commence une longue et difficile aventure car la maison, il faut la payer, y faire sans arrêt des travaux de réfection, pouvoir se déplacer. Comme tous ceux qui n'ont pas de fortune personnelle, ils n'ont qu'une solution : l'appel au crédit. Mais ils n'ont guère le sens d'une gestion familiale prudente et ils vont alors de pépin en pépin, victimes de petits chefs d'agences locales. Jaouen évolue dans ce monde avec une agilité que le lecteur a parfois du mal à suivre, mais, au bout du compte, on finit par se passionner par une expérience qu'ont dû connaître beaucoup de gens. "
Armor Magazine - Décembre 1994
" - Infirmière divorcée avec enfants à charge, Éliane F. rencontre Paul G., professeur de dessin, lui aussi divorcé et père de deux enfants qu'il élève. Tous deux sont dynamiques, entreprenants, et, désireux de vivre un projet commun, décident de s'installer en Bretagne. Salariés aux revenus confortables, ils sont rassurants pour tout le monde, y compris leurs banquiers. Mais les besoins de sept personnes sont énormes lorsque l'on veut vivre "comme tout le monde", c'est-à-dire au-dessus de ses moyens. Qu'importe les fins de mois hasardeuses puisque le crédit existe. Mal maîtrisé l'endettement devient surendettement, l'engrenage se referme, l'enfer commence. Décideurs peu regardants puisqu'intéressés au "placement de produits" et consommateurs irresponsables commencent alors une partie de bras de fer dont on connaît par avance l'issue. Avec une parfaite connaissance du milieu bancaire dans lequel il travailla plus de trente ans, Hervé Jaouen nous fait comprendre les dérives de cette société où le bonheur repose trop souvent sur la possession.
Une fois encore, Jaouen nous tient en haleine dans ce roman au style dépouillé et précis comme les romans-noirs dans lesquels il est passé maître. Mais une fois encore, dépassant le cadre du simple récit, c'est de notre société qu'il nous parle, et bien sûr de nous-mêmes. Ici le système bancaire est sérieusement mis à mal, et nous sera désormais difficile de ne pas penser à Paul G. à la lecture de certaines correspondances aux offres alléchantes. Mais ces vérités ne doivent pas nous faire oublier la justesse de nombreux autres traits, le séminaire de management motivationnel, par exemple. Dans ce genre de scène où sa plume excelle, Jaouen n'est pas sans rappeler Simenon. "
Jean-Claude Bourlès - Le Mutualiste Breton
" - Ancien directeur d'agence et attaché de direction d'une banque nationale, l'auteur retrace, dans une histoire romancée, la spirale qu'il connaît bien, celle qui mène de la surconsommation au surendettement. Plutôt qu'un outil de prévention, c'est un document précis, écrit par un spécialiste qui sait mettre en scène les divers crédits et prêts.
Pour tous ceux qui se laissent aller aux maladies de notre société libérale et sont sensibles aux sirènes des "produits financiers" tous mieux présentés les uns que les autres, l'issue est trop souvent connue, et à travers un couple qui s'est laissé piéger, Hervé Jaouen s'en fait un observateur averti. Le lecteur suit avec émotion cette dérive financière avec toutes ses conséquences sur les plans psychologique, conjugal, familial, en même temps qu'il se voit instruit de problèmes techniques de la vie courante. "
CFDT Magazine
" - Le dernier roman de l'auteur quimpérois est sorti
Jaouen dénonce les "endetteurs"
Le dernier roman d'Hervé Jaouen, qui vient de sortir en librairie, plaira-t-il à ses anciens collègues banquiers ? Pas sûr. Dans un texte dur et serré, l'écrivain quimpérois dénonce la machine impitoyable mise en place par les banques pour mieux presser leur clientèle.
Le dernier livre d'Hervé Jaouen, "Les Endetteurs", va faire mal. Mal aux banquiers d'abord, qui voient mises à nu toutes leurs combines, machinations, tricheries pour vendre toujours plus de crédits aux gogos de clients. Mal aux clients aussi, vous et moi, qui découvrons avec stupeur les moyens mis en œuvre pour mieux nous ficeler, et la folie de consommer toujours plus.
"Les Endetteurs", c'est un livre dur comme un polar, sec comme une injonction de payer, et qui vaut bien des analyses sociologiques.
L'engrenage infernal
L'histoire commence bien, pourtant. Paul et Éliane, tous deux divorcés, veulent refaire leur vie. Ils achètent une maison en Bretagne. Lui est artiste. Il devient directeur de l'école des Beaux-Arts locale. Elle s'installe comme infirmière libérale. "Ils vivent dans leur cocon, explique Hervé Jaouen, ils sont en quête de paradis." Il ouvre un compte au CROC (Crédit régional de l'Ouest et du Centre), elle prend un carte à la B3C.
Et la belle vie commence, quête forcenée du bonheur. Voitures, maison, travaux, sports d'hiver. En spécialiste de la banque (Hervé Jaouen a passé 29 ans dans des agences du Finistère) l'auteur décrit avec précision les mécanismes qui vont faire de ce couple aisé des surendettés. "Les pauvres n'ont pas la possibilité de s'endetter, explique-t-il, puisqu'ils n'ont pas accès au prêts. Par contre, les classes moyennes sont la cible de toutes les opérations commerciales."
Ce couple naïf, ou mal informé, va tomber dans un piège tendu par les deux banques. Quand ils sont à découvert, on leur propose un crédit "revolving", des cartes "Renommée", tout le monde veut leur prêter de l'argent.
Pourquoi tant de bonne volonté ? La réponse est à chercher dans les coulisses de la banque. Jaouen décrit ce qui se passe derrière les guichets et les plantes vertes : le stress au quotidien, la direction qui hurle, les objectifs qui ne sont jamais atteints, les menaces. Les employés doivent vendre, à tout prix.
Le plus effrayant, ce sont les moyens mis en œuvre : le fichage des clients, les comptes-rendus de conversations anodines introduits dans l'ordinateur, les indications de mentalité, de fiabilité des emprunteurs. Et la façon dont on va s'acharner sur le couple dès que la décision sera prise de "l'exécuter" : une fois l'interdiction bancaire prononcée, tout leur est facturé, la moindre lettre, le plus petit chèque refusé, tout est l'objet de frais qui enfoncent toujours un peu plus les malheureux.
Ceux qui ont aimé "Le Crime du syndicat", première et magistrale description du fonctionnement des entreprises, se passionneront par "Les Endetteurs". Il révèle une dérive grave de nos banques. On veut croire que l'auteur a exagéré. "
Jean-Luc Cochennec - Ouest-France - 08-09/10/1994
" - ... Paul et Éliane, divorcés tous les deux, entament une nouvelle vie ensemble. Le couple totalise cinq enfants et décide de changer de vie et de ville. Il est professeur de dessin, elle, infirmière. Ils vont s'installer en Bretagne. Et pourquoi pas acheter la maison qui sera le cadre de leur nouveau bonheur ? Et pourquoi pas une nouvelle voiture, et pourquoi Éliane ne s'installerait-elle pas à son compte et ainsi de suite. Comment est-ce possible ? Grâce à leurs banques respectives, heureuses de prêter à ces gens solvables et raisonnables. Peu à peu, pourtant, tout s'assombrit quand le cabinet d'Éliane ne tourne pas aussi bien que prévu, quand il faut changer les voitures, partir en vacances, faire des travaux...
Chacun emprunte de son côté sans vouloir inquiéter l'autre. Aux crédits bancaires, aux découverts, s'ajoutent maintenant les dettes envers les organismes de crédit. Les agios grimpent, le roman vire au noir. Car il s'agit d'un roman, un titre explicite : "Les Endetteurs". Hervé Jaouen, ex-banquier, y démonte l'horlogerie de l'endettement et entraîne inexorablement ses personnages vers la misère et la séparation. Roman si glauque et si vrai qu'il pourrait s'agir d'un document, d'une enquête. Ses accusés ne s'appellent ni Paul ni Éliane, mais bien les banques et les crédits à la consommation qui ont rendu les choses trop faciles. Tant que le couple était solvable, bien sûr. "
L'Événement - 15/12/1994
" - Le Quimpérois Hervé Jaouen démasque les endetteurs
Depuis sa "Mariée rouge", roman publié en 1979, Hervé Jaouen n'a cessé de séduire et d'"intriguer" un public de plus en plus large, ferré au fil d'une marée tonique de 19 romans, plus ou moins noirs. Mais toujours très typés, forts et sans concession, comme "Les Endetteurs" qui vient de paraître chez Stock.
Les personnages et les atmosphères d'Hervé Jaouen crèvent l'écran noir ou gris plombé d'une société que l'écrivain a longtemps auscultée à la lumière crue et impudique du guichet de la banque, son métier originel qu'il a quitté en 1993, pour se consacrer exclusivement à l'écriture. Sans oublier, bien sûr... la pêche à la mouche dans les cours d'eau de la verte Erin.
Les mots en "ing"
"J'ai, assure H. Jaouen, aimé ce métier... j'ai de moins en moins aimé les banquiers. Du moins ceux qui n'ont à la bouche que des mots en "ing", qui ont perdu tout sens des relations humaines. Au fond, poursuit l'écrivain, il faut bénir la providence de m'avoir entraîné à pousser un jour la porte de la banque. J'y ai été au contact permanent de la société, du bas en haut de l'échelle sociale, au contact de tous les secteurs de l'économie".
Le piège de la consommation
Et de fait, ses récents adieux à la banque ont directement inspiré à H. Jaouen son dernier roman-choc, "Les Endetteurs", qui en dit long sur le mirage d'un bonheur à crédit, piège d'une couple laminé par le surendettement. "Je vois "Les Endetteurs", un peu comme une suite et fin de "Les choses" de Georges Pérec.
Ses personnages, en 1970, étouffaient la jouissance d'être par le désir d'avoir. Nous n'en sommes plus là. Au milieu des années 90, on étouffe la jouissance d'être par la possession, la consommation et la destruction. Et le pouvoir d'achat ne suffisant plus, on étouffe... à crédit. La banque conseil des années 70 est devenue une banque-hypermarché du crédit et des services financiers. Elle a adopté les techniques du marketing et du merchandising.
Dans la société actuelle dépourvue d'idéaux, qui sacrifie au culte de l'argent-roi à coup de déréglementations sauvages, la consommation agit comme un antidépresseur. Au lieu de prendre une pilule, on achète. Le crédit c'est la seringue, l'achat, le flash et le contentieux, les affres de l'état de manque. La banque a recruté de véritables robots, bardés de diplômes, dressés à la gestion. L'humanisme, peut-être parce qu'il n'a pas une terminaison en ing, est un mot qui ne figure pas dans leurs dictionnaires".
"Graphomane"
Le Quimpérois, enraciné au cœur de la Cornouaille et de l'Irlande (où les saumons redoutent ses raids frénétiques) se définit "comme un graphomane : roman, roman noir, journal de voyage, traductions, articles. Pourquoi, s'interroge H. Jaouen, l'écrivain devrait-il se priver de toutes les formes d'expression que l'écriture lui offre ? Il y a bien longtemps qu'on a annoncé la mort du roman. On voit qu'on a eu tort. Le roman est éternel. Il n'y a que le traitement qui change. On est bien loin d'avoir épuisé la capacité de renouvellement du roman".
C'est tout le bien qu'on souhaite au Quimpérois qui n'a de cesse - réflexe d'ex-banquier ? - de "diversifier" sa production. Outre des romans pour la jeunesse, dont "L'Oisif surmené" qui va paraître au Seuil, H. Jaouen écrit des scénarios d'audiovisuel pour l'entreprise. "
Bertrand Le Néna - Le Télégramme - 14/11/1994
" - À bien taux, chers clients !
Écoutant les nouvelles, je me suis rappelé que j'avais ce livre depuis relativement longtemps. L'ayant payé comptant, je n'ai pas eu d'agio pour ce livre dormant. Je n'ai pas non plus payé de découvert, car je ne l'avais pas encore ouvert (le livre) ! En suis-je content, c'est la question au taux d'intérêt variable. Une petite anecdote, pendant la lecture de ce livre, je suis passé à ma banque ; dans le fil de la conversation, la personne au guichet m'a dit "je loue votre humour" ! Je me suis méfié, à quel pourcentage ?
Prenons deux personnes ordinaires, un homme Paul G., une femme Éliane F. (et non pas Virginie). Lui a deux enfants, elle trois. Elle est infirmière dans un hôpital, lui est professeur de dessin. Ils se rencontrent, s'apprécient et, malgré leurs déboires précédents, décident de vivre ensemble. La cohabitation entre les différentes progénitures se passe bien, enfin un rayon de soleil pour tous. Signe de bonne fortune supplémentaire, Paul devient directeur d'une école en Bretagne. Éliane demande alors sa mutation, elle n'est pas la seule postulante à un retour en Bretagne. Plutôt que d'attendre indéfiniment, elle démissionne et s'installe comme infirmière libérale. La voie dorée s'ouvre devant eux. Ils achètent une maison, qui s'avère être une très mauvaise affaire, la facture de chauffage est astronomique, celle d'isolation également. Pour se simplifier la vie, ils se marient, mais gardent chacun leur compte dans deux banques différentes, plus le compte professionnel d'Éliane. Le premier été en Bretagne est paradisiaque, les visites, les dépenses somptueuses, les loisirs des enfants, bref le bonheur ! Mais le bonheur ne dure que le temps d'un été, les nuages approchent avec l'automne, le travail d'Eliane ne démarre pas vraiment, les paiements des différentes caisses tardent, mais les charges sont elles à honorer. Les enfants veulent des animaux de compagnie, on achète un chien de race… Alors commence petit à petit la spirale infernale des cartes de crédits, des cachoteries entre mari et femme, chacun sa carte et pas un mot au conjoint. La voiture d'Éliane rend l'âme, il faut se résigner à ce gros achat. Alors intervient Mister Killer, vendeur aux dents longues et aux méthodes douteuses, mais qui possède la solution miracle, la LAO ! Éliane conquise signe et accepte un petit arrangement sur les dates, entre gens bien, chère madame ! Résultat, le délai de rétractation est dépassé !
La situation financière du couple se dégrade, mais ils semblent toujours aussi insouciants, la tempête approche à grand pas...
Autant l'attitude de certains banquiers et surtout de certaines banques est scandaleuse, autant Paul et Éliane ont un comportement qui prête à caution, et ils ont également leur part de responsabilité dans la situation inextricable qui est maintenant la leur. Le système bancaire avec la multiplication à l'infini des cartes de crédits, de facilités de paiements, de facturations différées ont créé un système où l'argent est devenu une chose irréelle, pratiquement impalpable. La publicité dont l'auteur ne parle pas, mais qui conditionne par exemple le comportement du couple vis-à-vis des enfants, pour qui rien n'est trop beau, le voisin de classe a le blouson vu à la TV, etc.... La civilisation des loisirs est aussi en cause, la situation financière est grave, mais Paul achète un bateau, le couple et les cinq enfants partent faire du ski...
Ce livre se divise non pas en chapitres, mais en années, An A +1 par exemple. Une chose dans ce livre m'a surpris, et pas forcement rajeuni, la monnaie est le franc. Normal, me direz-vous, ce livre date de 1994, et l'euro n'avait pas encore pignon sur rue.
Un bon roman qui m'a appris beaucoup de choses, dont la signification du fameux mot à la mode, le crédit "Revolving". Je trouve qu'il y a un manque de poésie dans le nom des cartes de crédit citées dans ce livre, mais cela n'est visiblement pas le but : Gold Primus, Permaprêt, Crédit Confort, Customer, etc...
Extraits :
- Là, point de délinquance, point de drogue, point de racket à la sortie des écoles.
- Acheter : l'infinitif est impératif.
- On baptisa la propriété d'un nom breton "Ker Eol", la maison du soleil.
- Monsieur joue au grand argentier. Il sonne l'employé du guichet et vouvoie ses troupes. Il fera carrière.
- On a claqué du fric. On a claqué le fric de la banque, l'argent des travaux. Pas en totalité. Une bonne partie.
- Éliane F. ne parle pas breton, et nombreux sont les gens âgés plus à l'aise dans leur langue maternelle qu'en français.
- Simple tolérance. Il ne s'agit pas d'une autorisation.
- Non, répond Bourbao, c'est une formule hyper simplifiée, le crédit TGV.
- "Un piège à cons, vous allez voir. On va régulariser des comptes débiteurs, y a pas de doute".
- Ils se sentiront des ailes dépensières. Le pognon leur brûlera les doigts. Ils replongeront.
- Le délai de réflexion est écoulé, la double commission acquise.
- Paul G. ne doute plus d'être indésirable. La B3C ne lui fera pas de quartier.
- Mon euphorie se dégonflait à mesure que mon livret de Caisse d'Épargne diminuait.
- "C'est le bonheur d'être à crédit".
- Paul a presque le rang de notable. "
Eireann – 20/10/2009
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