Hervé Jaouen est né à Quimper en 1946. Diplômé d'études supérieures d'économie, il fait d'abord carrière dans le monde de la banque. Ses premiers livres lui valent d'être considéré comme l'un des maîtres du roman noir français, récompensé par le Prix du Suspense et le Grand prix de littérature policière. Mais s'installer dans un genre ne lui suffit pas. Il entend poursuivre un travail de réflexion sur l'écriture commencé au lycée sous l'influence du Nouveau Roman. Un critique dira de lui : « Il faut du jeu à Jaouen. » Sans renier le roman noir, il en saute rapidement les frontières pour « jouer » dans des registres différents et donner à lire, entre autres : L'Adieu aux îles, Le fils du facteur américain, L'Allumeuse d'étoiles, Les Endetteurs, Merci de fermer la porte, Que ma terre demeure, L'adieu au Connemara, Au-dessous du calvaire, Petites Trahisons et grands malentendus (finaliste du Goncourt de la nouvelle), L’Amour dans les sixties et Les Filles de Roz-Kelenn, premier titre d’une saga bretonne dont le neuvième tome est prévu pour 2023. Paru en mars 2022, Retour à ma nature aborde un nouveau registre : celui du récit intimiste où, tout en pêchant et chassant dans une campagne finistérienne au fil des ans agressée par les excès de l’agriculture intensive, l’auteur se dévoile et livre quelques clés pour comprendre son œuvre. Dans le domaine de la littérature jeunesse, il a publié avec succès chez Gallimard Le Cahier noir et Mamie Mémoire, traduit en une dizaine de langues. Amoureux de l'Irlande où il fait de fréquents séjours, il lui a consacré cinq recueils de notes de voyage. Quatre d’entre eux ont été réunis sous le titre Carnets irlandais. Il est le traducteur de L’Assassin, de Liam O’Flaherty, des Robinsons du Connemara, de Guy St John Williams et des Lettres de la Grande Blasket, d’Elisabeth O’Sullivan. Cinq de ses romans ont été adaptés à la télévision et deux téléfilms ont été tournés à partir de scénarios originaux qu'il a écrits.
" Le romancier breton est plus qu'un des piliers du néo-polar français : c'est un capteur du tragique et un écrivain de grand souffle... " (Titre d'un article de Jean-Louis Kuffer publié dans les 24 Heures de Lausanne. L'intégralité de l'article ci-après, à la suite de la page Prix décernés et nominations.)
Hervé Jaouen en séance de dédicace
La carrière de l'écrivain Hervé Jaouen est régulièrement récompensée par des prix littéraires dont les " juges " sont les lecteurs de ses ouvrages :
1982
2000
Hervé Jaouen à Dublin
" ...Or s'il est vrai que le roman noir est souvent d'un niveau littéraire médiocre, et se base sur des stéréotypes psychologiques ou sociaux, force est de reconnaître que certains auteurs échappent à ces limites, qui travaillent, avec plus de vigueur, ou même de profondeur, une matière humaine trop souvent édulcorée par les purs " littéraires ". Ce fut le cas d'un Simenon que Gide tenait pour l'un des plus grands romanciers du siècle, et Raymond Chandler, Patricia Highsmith, Robin Cook sont également des écrivains de premier ordre. De la même façon, un Didier Daeninckx ou un Hervé Jaouen ont élaboré, ces dernières années, des œuvres qui valent à la fois par leur écriture et le sérieux de la réflexion qu'ils poursuivent sur la société contemporaine par le truchement de drames individuels.
Qu'Hervé Jaouen soit un monsieur sérieux, il suffit de rire en sa compagnie pour s'en convaincre. Pas cuistre pour un sou, l'auteur de la terrifiante Mariée rouge n'a rien non plus du ravagé farouche ou du « pro » en « promo ». On sent aussitôt l'homme d'expérience chez ce gentleman arrivé de ses parapets bretons, simple et net dans sa parole, sans bribe de pia-pia germanopratin. Et tout de suite la conversation fuse. Sur la littérature. Donc sur la vie, les gens, la folie du monde et ce qu'il importe de dire aujourd'hui.
Et les racines, d'abord, de ce fils de paysan aux aïeux illettrés, qui a appris à lire à 4 ans avant d'écumer la bibliothèque de la SNCF où son père prit un emploi pour échapper à la terre ingrate, et que deux crèmes de profs ont initié à la littérature.
… Premier manuscrit à 17 ans : refusé par les éditeurs parisiens, mais non sans encouragements, et de son prof mentor de Quimper, et d'un certain Jean-Edern Hallier, autre Breton fou de littérature. Mais le virus d'écrire agissant, le voilà collé au bac. D'où le noir courroux de papa qui le case dans une banque. Dur dur pour le futur Hemingway pianotant ses rêves de gloire sur l'inévitable Underwood. Et peu conforme au plan de carrière révolutionnaire d'un jeune communiste ! "
" N'empêche : Jaouen restera sur le front du grand capital, et bientôt avec le grade de chef d'agence, lequel ne le fera pas trahir ses idéaux de syndicaliste, ni ses aspirations de romancier. A cet égard, la banque lui offre un poste d'observation de la société à tous ses étages. Comme Giono à Manosque, en outre, il fait ses gammes d'écrivain en troussant des rapports peu conventionnels. Dans la foulée, il aura mené des études supérieures d'économie et découvert, entre deux virées de pêcheur à la ligne (autre passion que se rappellent les lecteurs d'Histoire d'ombres), le roman policier dont il boulotte alors des milliers de titres. Ce qui lui plaît là-dedans : le mélange de la fantaisie et d'une critique sociale aiguë.
Enfin voici l'écrivain resurgir passée la trentaine. Après un premier essai, le coup du maître ès noir : La Mariée rouge (1979), écrit en une semaine de transe, d'abord refusé par la Série noire (trop violent) puis inaugurant à la fois la collection Engrenage et ce que Jean-Patrick Manchette appellera le néo-polar. "
" Mais le regard rétrospectif fait valdinguer les formules. Car La Mariée rouge, qui plonge au fond de la violence pour en signifier la misère sordide et les tenants sociaux (on en retrouvera la crudité révélatrice chez Robin Cook ou dans le film belge C'est arrivé près de chez nous), annonce une œuvre qui échappera à tous les systèmes et à tous les trucs flatteurs, pour achopper à des thèmes chaque fois nouveaux, explorer des atmosphères toujours autres, des terres et des ciels divers. Le Crime du syndicat découle évidemment de ce que Jaouen a observé dans les sphères de la banque, mais le regard d'Hôpital souterrain (Grand prix de littérature policière 1990) relève plutôt d'une compassion populiste à la Louis Guilloux (légitime admiration de Jaouen), et le Journal d'Irlande, suivi des Chroniques irlandaises nous entraînent à grands pas allègres à travers une terre où il soit encore possible de vivre parce que ses habitants ne courent pas après l'aiguille des minutes – « une terre de spiritualité », nous dit-il sans poser à la belle âme - et le magnifique Connemara Queen (1990) en émanera côté fiction. Enfin doivent être cités, entre beaucoup d'autres, la lancinante dérive de Flora des Embruns et le bouleversant roman-lettre intitulé Le Fossé (1995).
Alors, auteur mineur qu'Hervé Jaouen, consciencieusement ignoré des dictionnaires de littérature contemporaine au même titre qu'un Pierre Magnan ou qu'un Louis Calaferte ? Lui-même en sourit sainement, sachant ce qu'il fait comme tout vrai créateur. Quant au lecteur que n'abusent point les fades produits de la rentrée, il en jugera livres en main. "
Jean-Louis Kuffer (24Heures de Lausanne)
Hervé Jaouen en compagnie de Farel dans sa propriété d'Ergué-Gabéric (29)
A voir ou à revoir différentes interviews de Hervé Jaouen lors d'émissions littéraires :
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